Opération Samwest

La petite route sillonnait entre la forêt et les champs de blé. Le panneau ne semblait pas avoir été touché depuis plusieurs années, ce qui prouvait la véracité de l'information qu'il donnait. Les trois commandos se mirent dans le fossé, accroupis, et commencèrent leur lente avancée. Il était déjà huit heures, et le lieutenant Botella devait les contacter à un endroit précis à Saint Servais. Ils avaient une heure trente pour arriver à Saint Servais, trouver les résistants, savoir ce qui leur fait défaut et contacter le QG. Un camp provisoire avait été dressé dans la forêt. L'endroit était fortement défendu par une vingtaine de commandos, et bientôt il servirait de QG aux résistants loyaux, ainsi que de zone de largage pour les armes légères et de soutient mobile, comme des jeeps envoyées en planeurs ou des Mg42 parachutées à partir de Short Stirling, avions de conception britannique utilisé par les SAS.
Les trois hommes avançaient, courbés dans l'herbe sèche. Le petit fossé ne récoltait pas, du moins aujourd'hui, les écoulements des champs bretons. Les arbres de Duault se faisaient de plus en plus épars, et la route avait l'air en meilleur état qu'au début de leur progression. Il était maintenant huit vingt minutes dans la campagne bretonne. Au détour d'un virage, le clocher de la belle église de Saint servais apparut aux SAS. Il dominait les toits en ardoise noire et les les murs de pierre des maisons. Les trois hommes s'arrêtèrent pour observer la vue qui s'offrait à eux. Saint Servais était encaissé dans la vallée, la forêt de Duault dominait le petit village de toute sa nature. Le blé des champs oscillait au fil de la brise fraîche baignant en cette matinée calme les environs. Le clocher en granit clair, tout comme les maisons, sonnait la demi-heure et provoqua une envolée d'hirondelles. Le soleil illuminait le vallon de toute sa lumière bienfaisante et les trois hommes regardaient ce paysage bucolique lorsqu'un bruit de moteur les fit se jeter derrière le talus.

D'ailleurs, la seconde idée paraissait meilleure, puisque si des renforts leur parvenaient, ils pourraient capturer cet officier et l'interroger sur les défenses locales. Sachant que l'une des principales voies ferrées bretonne passait par les environs, les SAS avaient choisi Saint Servais comme poste avancé et les information fournies par cet éventuel officier seraient précieuses. Les SAS devaient se dépêcher de rejoindre les petites bâtisses de granit clair au risque de rater la communication avec le QG. Michael se remémorait les évènements qui avait l'avaient conduit jusqu'ici.
Ils avaient été parachutés, puis envoyés à Saint Servais, avant d'être trahi par de faux résistants qui étaient en fait des collabos qui eux-même se sont fait mettre en quatre par de vrais résistants, qui ont ensuite conduit les sAS jusqu'au village, avant que ces derniers ne doivent aider un pilote abattu et rentrer à pieds. Cette histoire devenait de plus en plus compliquée, et Michael avait du mal à comprendre ce qui motivait les collabos: l'argent ou le pouvoir? Ou bien les deux... En tous cas, le caporal et ses hommes étaient là pour libérer la Bretagne et empêcher les renforts allemands d'aller en Normandie, et ils comptaient bien accomplir leur mission jusqu'au bout, même si la mort les attend au tournant...
Ils se remirent en marche vers le village afin de retrouver les résistants et contacter le QG.

MJ

Les SAS progressèrent petit à petit vers le village et l'un d'eux vit un homme armé d'un Mauser 98K dans un arbre .
Celui ci le vit également et lui fit des grands signes .

Caporal !! Contact dans l'arbre au Nord !!

L'homme descendit et avança , le fusil en l'air .
Surement un résistant ...

[ Navré , je sais pas quoi trop dire !! ]

... Ou un collabo, mais c'était peu probable. Les deux soldats se mirent tout de même à couvert dans le fossé et mirent en joug le guetteur pendant que Michael se dirigeait vers lui. Il était de taille moyenne, trapu, large d'épaules, les cheveux très bruns coupés courts, un nez aquilin, une peau très pâle et des sourcils proéminents. Il portait un pantalon gris en une veste beige, ainsi qu'une sacoche en cuir sur sa hanche droite. Le commando salua l'homme:

"Caporal Carlson, quatrième régiment de SAS. Vous êtes?"

Attendant la réponse, le jeune homme détailla son interlocuteur plus en profondeur. Il avait les yeux bleus, son nez était légèrement excentré, ses oreilles, très petites, étaient un peu décollées. Il avait un regard profond, des traits tirés et un visage dur. Il regardait le SAS dans les yeux, ayant l'air de réfléchir.

Le breton avait un accent du terroir prononcé et incompréhensible pour un étranger bilingue. Pour les trois SAS, ces phrases étaient claires comme de l'eau de roche. Les commandos emboîtèrent le pas à l'étrange homme. *Il n'y a pas de danger hein?* Le caporal restait tout de même sceptique et glissa à l'oreille de ses deux soldats:

"Restez tout de même sur vos gardes, on ne sait jamais."

Les hommes gardèrent donc une main sur leurs Sten, prêts à tirer. Les quatre français marchaient rapidement mais sûrement. Les petites maisons de brique claire approchaient et le soleil se faisait de plus en plus lumineux. La verdure des champs et des forêts contrastaient de plus en plus avec le beige des petites rues de Saint Servais. Les talus faisaient penser à des mini-remparts naturels couverts de plantes et les arbres à des tours de guet camouflées, tandis que les oiseaux ignoraient ce qui se passait au sol, lorsqu'à tout moment ils risquaient de se faire abattre par un tir allemand perdu ou un chasseur. Le village se découvrait un peu plus aux yeux des SAS.

[désolé pour le retard]

Alors que Carlson et ses hommes approchaient , la confusion sur la nationalité des trois SAS lui arracha un petit sourire. Les commandos allaient monter dans le camion lorsque leur guide pointa l'arme en direction du camion. Les SAS, inquiétés, prirent leurs Sten à pleines mains avant de se détendre à l'annonce du fait qu'il soit prisonnier. Les SAS montèrent donc à l'arrière du transport, et mirent leurs Sten au sol. Alors, Michael prit la parole:

"Ca fait combien de temps que vous êtes comme ça? Les boshs doivent torturer les villageois non?"

Le caporal regarda son guide, qui était toujours à l'extérieur. L'homme ne répondit pas et Michael commençait à s'interroger sur l'état des habitants, et des résistants eux mêmes. "Lolo" devenait plus blanc de secondes en secondes tandis que Carlson attendait patiemment une réponse. Un autre homme arriva alors, un autre résistant. Michael comprit à son regard noir qu'il n'obtiendrait pas de réponse et regarda le camion. Il était recouvert d'une bâche marron grise que soutenait une armature en métal. celle-ci état fixée aux bancs en bois, apparemment du chêne, tout comme le plancher de la benne. Michael tourna à nouveau la tête ne direction de l'extérieur.

A ce moment, Michael se leva avant de mettre Lolo à terre, ou tout du moins sur le sol du camion, à genoux. Il avait lâché son couteau sous la pression exercée par le commando sur son bras et retenait une grimace de douleur sous la pression des deux autres SAS. L'allemand restait en retrait, de peur de se faire attaquer. Le caporal lâcha prise avant de récupérer le couteau du résistant.

"Ne refais plus jamais ça. Mes hommes et moi allons le garder jusqu'à la fin du trajet. Nous l'interrogerons après avoir pris contact avec le lieutenant. Une fois ceci fait et si nos informations sont intéressantes, nous vous le laisserons. Mais pas question qu'il se fasse tué ou torturé à mort! Ce serait une violation des conventions de Genève! Vous avez bien compris? Autrement j'appelle des renforts!"

Michael regardait fixement le résistant. Le commando restait de marbre, le regard noir. Britton prit sa Sten en main et la mis en direction des autres à l'extérieur du camion.

Un B1 bis ? Quand même, se dit le SAS. Ce n'est pas rien, et puis, comme il n'a pas été produit en grand nombre, 369 exemplaires pour être précis, il est difficile de trouver pièces de rechange et manuel d'utilisation, forcément. Le blindage avant est de 60 mm, celui des flancs de 55 mm, armé d'un canon SA35, le tout propulsé par un Renault de 300Cv. C'est pas rien. Les deux autres étaient plus modestes, blindage avant de 43 mm, canon de la grande Guerre 37 mm, moteur de 85 Cv. Vraiment moins pratique contre des véhicules mais contre l'infanterie, c'est parfait. Le caporal demanda :

"Pourrai-t-on voir ces chars ? Nos hommes seraient peut-être capables de monter des meilleurs canons sur les R-35, et ce ne sera qu'à notre avantage. Mais d'abord, il faut que je contact le Lieutenant."

Il attendit patiemment une réponse de l'homme assis en face de lui, toujours à siroter son verre devin.

Un sacré arsenal ces résistants. Ils ne sont pas Bretons pour rien. Le caporal se décida, après la vision des tanks, à prendre contact avec le QG. Il prit la radio que venait de lui apporter le résistant.

"Equipe Bravo appelle Black Concealed, Bravo appelle Black Concealed !

- Ici Black Concealed, je vous écoute Bravo.

- On a prit contact à Saint Servais avec la résistance locale. Présence de chars en notre possession. Résistants bien armés et organisés. Attendons les ordres.

- Bien reçu Bravo. Avez-vous des nouvelles de l'équipe Alpha ?

- Aucune QG. Demandons renforts et mécaniciens ainsi qu'un canon de 47. On voudrait le monter sur un des R-35 à la place de sa mitrailleuse.

- On vous envoie tout dans les plus brefs délais.

- Merci QG. Et pensez à retrouver l'équipe Alpha. Au fait, les premiers hommes qu'on a rencontré étaient des collabos, donc faîtes gaffe.

- Merci de nous avoir prévenu. On envoie des équipes pour retrouver Alpha."

Le caporal éteignit la radio et se retourna vers le capitaine.

"J'ai demandé un 47 et des mécanos pour remplacer les mitrailleuses d'un des R-35."

"Bien. On va y aller. Soldat ! Mettez les 37 sur l'un des R-35, celui qui est dans le meilleur état. Allez vous deux, on va aller pioncer un petit coup."

Les trois hommes se dirigèrent donc vers la petite maison à côté. Ils montèrent à l'étage. Cependant, comme seuls deux lits étaient là, il se coucha par terre, et les deux autres sur les lits. Il s'endormit après encore quelques minutes à penser à tout ça. Ses rêves le conduisirent du côté de Brest, pas très loin d'ici. Le château, le port militaire, Recouvrance, Saint Pierre, il y avait passé son enfance et une bonne partie de son adolescence. Ses amis qu'il avait perdu de vue en allant au Royaume-Uni lui revinrent en tête : Frank, Jean-Claude, Claire, Justine, et d'autres encore.
Le caporal, dans son sommeil, bougeait en se rappelant tout ça, faisait même du bruit. Le soldat Britton se réveilla à cause de son supérieur, vers deux heures du matin. Il le secoua brutalement, afin de le réveiller, ce qui fonctionna. Michael se rassit en sursaut.

"Quoi , Qu'est-ce qui se passe ? Les boshs ?

- Non, c'est que moi Mic'. Tu pourrais faire moins de bruit s'te plaît ?

- Oui, oui. Je vais sortir, j'ai plus envie de dormir."

Il se leva et sortit, en prenant garde à ne pas réveiller le deuxième homme. Il descend l'escalier sur la pointe des pieds avant de sortir. Dehors, la fraîche nuit du 7 Juin était illuminée d'étoiles. Le caporal sortit son paquet de cigarettes, en prit une et l'alluma. Il tira un peu dessus avant de laisser retomber sa main au niveau de sa cuisse et de souffler la fumée vers la lune en regardant le ciel. Il pensait encore à Brest, aux mains des Allemands qui utilisaient la ville comme base sous-marine.

Le caporal resta à contempler la nuit jusqu'à l'aube, moment auquel Lolo vint le rejoindre. Il alluma une autre cigarette, pensant maintenant à la journée qui s'annonçait dure et éprouvante. Lolo lança une petite blague, essayant de faire passer le temps pendant que les autres s'éveillaient tranquillement. Le mécano finissait de serrer les derniers boulons. Le caporal s'approcha du char de combat.

"Alors ? Il sera prêt ?

- Oui, aucun problème caporal. On a plus qu'à placer le viseur et ce sera bon."

Michael marcha vers l'entrée de la petite ferme. Le chemin de terre longeait un petit bois. Il tira un peu sur sa cigarette et retourna dans la cour. Le petit bâtiment en pierre se dressait devant le commando avec simplicité. Le caporal décida de contacter le QG pour mettre au point un plan de secours au cas ou ça tournerait mal. L'office commença après que tout le monde soit levé et le capitaine sortit, accompagné des bruits de moteurs remis en parfait état de marche par les résistants. Les deux autres commandos sortirent à la suite du capitaine et s'approchèrent de leur supérieur, qui se dirigea vers le capitaine pour lui donner des informations.

"J'ai vu avec le QG, si ça tourne mal, tout le monde se sépare et on se retrouve dans la forêt une fois qu'on a semé les allemands. Mais on reste du côté de Saint Servais, et deux de nos hommes que je connais viendront nous chercher. Si je ne les connais pas, on a ordre de ne pas bouger et de fortifier la position pour tenir le plus longtemps possible.

- Merci caporal. Faites en sorte de ne pas vous faire tuer alors."

Michael s'avança vers les chars pour discuter avec les mécaniciens avant le départ. Ceux-ci prendraient place chacun dans un tank pour pouvoir faire des réparations si besoin.

Des boshs commencèrent à sortir de la caserne, placée dans une grande ferme. Michael préférait les combats urbains à ceux en pleine nature mais ils n'en restaient pas moins plus dangereux. Les trois commandos se placèrent juste devant le B1 afin d'avoir une vue sur le village. Les allemands, ayant repéré la colonne, se plaçaient dans les rues. Michael fit quelques signes aux résistants, leur signifiant qu'il partait en éclaireur. Il adressa ensuite une série de signes à ses deux coéquipiers du SAS, ce qui leur permit de savoir qu'il fallait le couvrir, et le suivre d'assez loin.

"Va falloir faire gaffe, y sont partout. On rentre pas tout de suite en ville OK ?

- Bien caporal.

- Et toi Britton, t'as compris ?

- Oui, c'est bon chef."

Les trois hommes se baissèrent pour partir vers le petit village. Les deux soldats s'arrêtèrent un instant, pour reprendre leur progression après que le caporal les ait distancé d'une petite soixantaine de mètres. Il s'arrêta, prit ses jumelles et observa les déplacements de troupes dans le village. Les allemands mettaient en place des armes, que Michael n'aurait su identifier de là où il était, c'est à dire à environ sept-cent mètres de l'entrée du village. Il continua, mais cette fois avec plus de discrétion, presque en rampant. Il vérifia la présence de son couteau de combat à sa hanche et prit sa Sten à pleines mains, prêt à faire feu à tout signe hostile envers les résistants ou lui-même.